Produit : on peut créer le besoin !Quel est le con qui a dit ça ?

Bullshit My Product
10 min readMay 11, 2021

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Si un truc nous a été enseigné par maître Obi Wan : “Tu ne vends pas de bâtons de la mort, tu vas rentrer chez toi et penser à ton avenir.”

Misanthropes, cyniques, vous êtes ici à la maison. Prenez un bon verre, un pitit Cornetto vanille, et décontractez-vous, dans un instant ça va commencer.

Chibi Star Wars by Laufman

Peut-on vendre n’importe quoi à n’importe qui ?

Aller hop ! On commence sans échauffement. C’est séduisant hein ? “tu peux vendre n’importe quoi, à n’importe qui, il suffit de créer le besoin”.

Tu te gaufres ? Tchic-tchac ! Tour de passe passe et magie noire, tu vends du sable à un bédouin.

Ça te fait surement penser au film “Le Loup de Wall Street” à travers le dialogue :

Jordan Belfort : Vendez moi ce stylo ?

Brad Bodnick : Vous pouvez m’écrire votre nom ?

Le besoin a été créé ! Le stylo est vendu ! “Magie magie, et vos idées n’ont pas de génie”. T’es sûr mon lardon que ça marche comme ça ? Dans la vie en dehors d’Hollywood et de sa vision étriquée de l’humain ?

A ce moment-là, les infréquentables et amoureux de Desproges me diraient “le doute m’habite”, et Dieu sait que les avis “divergent” sur le sujet.

Prenons, des boîtes respectables, qui disposent d’un département marketing 5 étoiles :

  • Fire Phone by Amazon (2014) : Un smartphone et 83 millions d’euros au cimetière. Et pourtant on peut pas dire, en 2014 le smartphone c’est plutôt le truc qui se porte bien, et Amazon est une société plutôt connue. Alors on y fou de la 3D qui s’adapte à l’angle de vue. Because “tech rules” je suppose…
  • Essensis by Danone (2007) : Le yaourt “bon pour la peau”. Rien que la première année, 9.2 millions de marketing, et un beau packaging tout rose ! Effet ? néant… Et pourtant, on n’a pas lésiné sur la com’.
  • Google Glass by Google (2014) : On n’en parlera pas tellement ça a été pris en exemple… Mais visiblement, au royaumes des aveugles, le borgne est roi by Google.
  • Nesfluid by Nestlé (2010) : Le plus gros lancement de l’année chez Nestlé, la boisson à base d’eau de coco et de lactosérum. Le tout au shaker et dopé aux vitamines et minéraux. 21 millions € de marketing pour expliquer au consommateur stupide qu’il a besoin de cette eau pour vivre… Qui vivra, verra ! Mais chez Nestlé on ne verra jamais le produit décoller.
  • Nintendo Wii U (2012) : Oui ! Nintendo ! Ils foutent quoi ici c’est des génies ! Sauf que Wii U = 12,8 millions de consoles vendues contre Wii = 101 millions. Le plus gros échec commercial chez Nintendo, éclipsé dans la conscience collective par la renommée de la Wii (et on touche pas à Nintendo). Une console de salon semi-portative qui combine les inconvénients de la console portable et les inconvénients de la console de salon : du génie, il fallait y penser ! C’est la grande mode de la tablette à l’époque, alors faut en foutre un peu partout…

Bref, vous l’aurez compris, des exemples comme ça on en a chez les plus grandes entreprises, on pourrait également citer Coca-Cola Blak & New Coke.

Chibi Star Wars by Laufman

Qu’est-ce qui pourrait expliquer, que des marques à la renommée aussi puissante se gaufrent ? Et oui mon ewok made in money, car quand Nintendo parle Marketing, on la ferme et on écoute. Alors pourquoi se vautrent-ils ? Ces entreprises ont pourtant des budgets marketings élyséens et de vrais succès à l’appui (ils savent vendre bon sang, va pas me dire que Coca c’est des quiches en roue libre). Donc selon une compréhension basico-basique à tendance surfacique : elles “savent créer le besoin”. De surcroit : elles “ont les moyens”. Mais elles se plantent… Hum, intéressant non ?

De la compréhension du problème de fond : Le cas Apple

Apple, une coopérative fruitière californienne, vend depuis Juin 2007 un produit “coquin” : l’iPhone. Et quand on parle de coquin, on parle de 61% du CA Apple réalisé par le dit produit. Clairement, il fait tourner la boutique.

Vente d’iPhones en millions d’unités ©David GEWIRTZ

Mais voila, un jour, naquit l’année 2019. Et l’année 2019 chez Apple, elle va faire l’effet du tacos double-piment…

On passe de 210 / 220 millions d’unités vendues depuis plusieurs années à 190 millions en 2019.

Vente de smartphones en millions d’unités ©Statista

Ou qu’il est t’il le problème ? Et bien, mon jeune ami, dans ce même temps le monde évolue. Et les ventes de smartphones bien qu’en légère inflexion sur l’année embrassent une réalité : entre 2014 et 2019, on vend 24% plus de smartphones. Dans un monde où on vend en moyenne 24% plus sur la durée, faire un joli “+0%” (2014 Vs 2019) ne fait pas marrer le board d’Apple.

Résultat des courses : l’action prends un coup dans le sifflet et on décide d’une mesure Ô combien révélatrice : désormais Apple ne publiera plus les ventes par produit. Parce que quand on a un problème, on le cache ! Na !

Alors, oui, tu te demandes, pourquoi ? Pourquoi diantre ce comportement ? Voici un petit indice…

Première indice

Une idée ? Non ? Alors voici un 2nd petit indice…

Second indice

Et maintenant ? Vous ne remarquez vraiment rien ? Nous avons en fait 2 problèmes :

Oui… D’accord Hector… Mais bordel où veux-tu en venir avec tes questions à la cons et ces réponses assorties.

Chibi Star Wars by Laufman

Je veux parler du problème, du vrai problème utilisateur. Apple depuis le début, n’adresse pas comme problème primaire “communiquer” (Surprise !). Apple n’a pas inventé le téléphone, n’a pas inventé le SMS/MMS, n’a pas inventé Internet, n’a pas inventé le concept d’app.

Apple, adresse un problème de fond bien différent : “Qui suis-je ?”.

Car oui, croyez moi mes chers BMPers (on tente un nom pour nos 2.3 millions de lecteurs…), l’humain a une quête dans sa vie : savoir quelle est sa place dans la société. Et ça nous anime au quotidien. Tout ça est lié à la sérotonine, une hormone dont notre cerveau est addict et qui est entre autre liée à la revendication de ce qu’on fantasme être. Traduction : Si je fantasme être une business woman, alors toute chose me permettant de revendiquer, et être reconnue par les autres comme business woman, va générer une hormone à laquelle je suis addict : welcome sérotonine (au passage, ça génère aussi de la dopamine, matérialisée par ce sentiment de “bien être”).

Mais oui ! T’as tout pigé ! C’est pour ça qu’on n’a de cesse de s’élever, chasser des promotions (aux titres ronflants), un meilleur salaire, bien s’habiller, se maquiller, rouler en Audi et fumer des Malback etc... On veut savoir où on est dans l’échelle sociale, et surtout on veut être au plus haut car ce qui définit ma valeur c’est ma position par rapport aux autres au sein du groupe social. Et ça, ça nous fait un bien de dingue de le ressentir ! On parle en permanence en ce moment des “facteurs de reconnaissance”, et bien on est en plein dedans : je veux que les autres reconnaissent ce que je fantasme être… A ton avis, pourquoi as-tu une sensation différente quand on te dit “merci d’avoir si bien géré la situation” alors que “merci d’avoir essuyer le tableau de la salle de réu” tu te la tailles en biseau ? Car, dans un des deux cas, quelqu’un a reconnu ce que tu fantasmes être, c’est pas le merci qui importe ici, c’est le “quoi” concerné.

Alors, oui je t’ai vu, Jean Michel Surhomme “Moi, j’ai pas besoin d’un iPhone pour savoir qui je suis dans la société, les mecs ils sont trop faibles s’ils en ont besoin”…

Alors peut être es-tu moins sensible à la sérotonine (nous avons tous des terrains différents) ? Ou au contraire, tu l’es tellement que tu as besoin de revendiquer ne pas être asservi à cette mécanique cognitive…

Si tu penses que les lois cognitives ne s’appliquent pas à toi, c’est cool, mais ouvre toi quand même à la réflexion autour de cette maxime :

“Celui qui pense être libre, est celui qui est le moins conscient de ses chaînes”

Revenons-en, à nos iMoutons.

On récapépètte 2019 :

  • Il n’est plus vraiment différenciant sur le plan physique par rapport à mon modèle actuel et chez mes amis je ne vois même plus la différence entre le mec qui a le 11 et la nana qui a le X. Pire ? Un Huawei à 550€, ça commence fortement à avoir une tronche d’alternative potentielle. Je vois déjà venir Marie Sophie Designer qui va m’expliquer que le grammage de l’aluminium a changé de 0,32 microns et qu’il a été prouvé sur une étude menée sur les otaries que ça changeait tout… Si tu veux
  • On est beaucoup trop à avoir des iPhones autour de moi, n’importe quelle CSP (Catégorie SocioProfessionnelle) en a un, même les mômes de mon voisin débile en ont. C’est au passage, quelques chose qu’ont compris depuis longtemps les marques de luxe. En contrôlant le nombre de produits en circulation, on vient garantir la génération de sérotonine chez nos utilisateurs via l’exclusivité et donc la reconnaissance : tu es le seul à avoir une Ferrari 458 dans le quartier, ça vaut bien 200 000€. A 450 000€ ? Tu as la Ferrari SF90 et tu es le seul en ville à l’avoir, le seul à ce niveau.

Conclusion ? J’ai moins de motivation à acheter, car le potentiel addictif (la récompense sociale) n’est plus suffisant pour compenser mon potentiel aversif : le prix. Prix qui au passage croît à chaque nouvelle version :

  • En 2009, un iPhone 3GS monte à 559€, soit 27% du salaire moyen mensuel net post-impôts d’un français (2106 € / mois).
  • En 2021, un iPhone 12 pro monte à 1609€, soit 72% du salaire moyen mensuel net post-impôts d’un français (2238 € / mois).

Et c’est cette mécanique cognitive (addictif Vs aversif) qui est le pourquoi du choix d’un être vivant.

Le problème qu’Apple adressait depuis le début, n’était pas tant technologique, que sociologique. Apple ne vendait pas un téléphone : elle vendait un fantasme et la reconnaissance associée. Apple vendait “un ticket d’entrée dans un club social” (exactement comme le fait Audi depuis quelques années).

Apple n’a donc pas “créé un besoin” comme vous pouvez le lire sur beaucoup de papelards, en revanche il ont magistralement adressé un problème de fond chez l’humain. Ce problème il date de 2.5 millions d’années, depuis que nous sommes des êtres sociaux et qu’une pyramide sociale existe.

Entre temps ils semblerait que la firme à la pomme ait perdu de vue ce problème en pensant pouvoir devenir uniquement une machine à gaver pour actionnaires indécemment engraissés.

Chibi Star Wars by Laufman

En conclusion : Revenez-en toujours au problème

La magie, ça n’existe pas. Sauf dans les tours de magie de Bernard MADOFF. Faire disparaître 65 milliards de dollars sans que personne n’y voit rien, on n’est pas dans l’ambiance “turlututu, tu l’as pas vu”.

Vous ne pouvez pas créer le besoin, c’est un mythe, vendu en grande partie par le marketing et ses produits dérivés (formations, grandes écoles, séminaires, livres et autres contes de fées pour bulbes surannés).

Vous doutez ? Seriez-vous donc plus forts qu’Apple ? Google ? Danone ? Amazon ? Nintendo réunis ?

En revanche il est une certitude : vous pouvez connaître parfaitement votre utilisateur. Je ne parle pas de savoir s’il préfère un bouton bleu en haut, ou en bas, je parle de connaître ce qui l’anime en tant qu’être humain. C’est quoi, “sa mission sur Terre” ? Et peut-on l’aider dans ce voyage ?

Cessez de prendre vos consommateurs pour des blaireaux qu’on peut gaver à grand coup de pseudo-science commerciale sur-complexifiée. Ne vous pensez pas au dessus des règles de base qui régissent l’humain.

Considérez votre utilisateur pour ce qu’il est : un être vivant, un agrégat d’émotions. Prenez le temps de le connaître, le rencontrer, l’observer, discuter avec lui . Entrez en empathie pour comprendre le problème profond, celui qui l’anime dans sa vie quotidienne.

La suite ? C’est easy pizzy de suivre un chemin une fois qu’il est correctement balisé non ?

“Si tu te définis par ton désir de posséder, dominer, alors tu n’as rien.” — Obi-Wan Kenobi

Cyniquement vôtre,

Bullshit My Product

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