Startup : Le nouveau suppositoire by Goldenboy & Fuca

Bullshit My Product
10 min readMay 21, 2021

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La startup nation, le petit plaisir à 5,4 milliards € (2020) administré avec bienveillance par le proctologue du coin : le business angel.

Misanthropes, cyniques, vous êtes ici à la maison. Prenez un bon verre, un burger livré par Hubert, et décontractez-vous, dans un instant ça va commencer.

©Academy of Movay Goo

Un tout petit peu de démystification

Avant d’aller plus loin dans le délire cosmique. Il conviendra de briser 2 choses qui pourraient faire débat :

#1 : Chez BMP, nous ne sommes pas des économistes (en fait, on est plutôt des connards, mais c’est le sujet d’un autre article). Mais vu que la majorité des économistes du moment ne semblent pas bitter les liens qu’il existe entre la dette, le crédit, la création de monnaie et la machinerie économique, on se dit qu’on a un coup à jouer. D’ailleurs, si vous êtes économiste, comportementaliste financier, ou autre, et que vous voulez papoter un peu avec nous, c’est méga pleasure.

#2 : La croissance dans l’inconscient collectif ça ressemble à ça… Disons, que nous sommes en l’an 2000, et je place 1000 €. On me promet pendant 20 ans un taux fixe à 10%. Donc, chaque année, je croît de 10%. Et tu vas me dire “bah ouais, c’est une croissance stable ça, c’est vachement bien, c’est rassurant”.

Ah oui ? T’es sûre de ça ? Et si on y regardait de plus près ?

Avec les bâtons oranges, j’ai la même croissance chaque année. Chaque fois, on reporte le même chiffre, et la stabilité c’est bien ! Sauf que quand je regarde ma courbe bleue… Est-ce que ça aurait pas la gueule d’un truc pas stable ? Du genre une petite tendance à foutre le camp à l’infini ?

Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste.

Kenneth BOULDING, économiste et théoricien systémique

Ah ben mon tonton… Ça fait réfléchir hein ? La façon dont on te présente les choses, influe grandement sur la compréhension de la logique du monde…

Avec 10% par an, tu peux y voir un idéal, alors qu’on parle en fait d’une aberration systémique. Moralité : regardons les choses dans leur ensemble, prenons du recul en revenant au pourquoi des choses. Donc, important pour la suite, quand on nous parle de “croissance” , faisons comme à Malibu, restons alertes !

La paradoxe risque / sommes investies

Aux dernières nouvelles les startups sont toujours associées à un taux d’échec qui défraie la chronique : entre 10% et 30% passent la barre des 3 ans selon le département communication de chaque lobby.

©Academy of Movay Goo

Alors, interrogeons-nous quelques secondes. J’ai 100 000 biboulles dans ma besace. Pourquoi irai-je investir dans un truc qui a entre 70% et 90% de chance de se casser la gueule sous 2 à 3 ans ? Bien que se retrouver complètement à poil semble devenir un argument de vente pour une série TV de nos jours, là ça ne nous arrange pas du tout. Ça paraît contre-intuitif de faire ce choix non ? Alors pourquoi ? Parce que je suis un “business angel” et que je veux aider des jeunes à se lancer dans la vie de façon philanthrope ?

LOL !

La levée de fond, mécanique “indispensable” de la startup (?)

Pour les plus néophytes d’entre nous, il est communément accepté que le passage d’une startup par la levée de fonds est une étape aussi clé qu’indispensable dans sa jeune vie trépidante d’ado perturbée.

Mais une levée de fond, c’est quoi ? Un apport d’argent externe à l’entreprise, qui est supposé la faire “décoller” en boostant sa croissance (tiens… la croissance… La revoilà). Et ces levées de fonds sont classées par “niveau de maturité”, un peu comme comme le jambon de Parme :

Si on prends le panorama français en 2020 :

Seed (graîne) : Environ 1 million € par levée en moyenne

Série A : Environ 5 millions € par levée en moyenne

Série B : Environ 10 millions € par levée en moyenne

Série C : Environ 30 millions € par levée en moyenne

Growth (le “grandissage”) : Plus de 100 millions € par levée en moyenne

En gros, à chaque levée, tu prends un peu plus de maille. La logique n’est pas stupide, plus tu avances, plus tu es supposé avoir levé des risques en prouvant que ton produit fonctionne et apporte de la valeur. Les investissements sont alors plus sécurisés : on en met plus dans le panier.

Levée de fond, le nouveau produit financier ?

Mais voilà, qui dit argent, dit produits financiers. Et on remarque depuis quelques années une augmentation dans les levées de fonds des proportions des produits de type “cash out”.

Le cash out, c’est le cœur crémeux dans ton fondant au chocolat startupéen. De l’extérieur on ne le voit pas, mais putain qu’il fait du bien quand on croque dans le gâteau ! Le cash out, ça permet aux investisseurs précédents, de récupérer leurs billes… Et ainsi sécuriser leur argent. Alors oui, on va te sortir plein d’avantages concernant le cash out, mais la réalité elle est que ça te permet d’acheter et revendre des produits financiers. Et vu que chaque levée est plus grande que la précédente, t’as compris le délire ? S p é c u l a t i o n

Alors ça ma cracotte, ça veut dire quoi ? Et bien une partie des levées de fond (part qui augmente d’année en année) ne sert plus aujourd’hui à créer de la croissance/booster la startup par injection de cash, mais à rémunérer les “spéculateurs angels” du tour précédent. Je suppose que les cravates reconverties de Lehman Brothers, n’ayant plus le droit de jouer avec les CDO ont trouvé un nouveau truc à tripoter ? Soyons indulgents, dans le fond ne sont-ils pas de grands enfants ? Oui ? Une question du dernier rang ? N’aurait-on pas pris des mesures post-2007 pour éviter que ce genre de bulle spéculative ne se reproduise ? On a grondé si si…

Mais pourquoi les gens investissent, si c’est une bulle sans valeur ?

Pour la même raison que nous croyons tous en la monnaie et que tu te bats pour avoir un salaire plus important en devise € et non en feuilles de batavia… Tout le système financier repose sur un pilier : la confiance. La monnaie, l’argent, tout ça n’a de sens que parce qu’on place notre confiance dans ce système, et rien d’autre.

Et là, pareil ! Tant qu’il y a un golden-filou qui a assez confiance pour mettre une pièce dans une levée, ça entraine les autres qui en mettrons 2, puis d’autres qui en mettrons 3 à leurs tours etc... En théorie ? C’est infini, comme la connerie. Tant qu’on a confiance dans le système et qu’on le nourrit, ça appelle un plus gros appétit. Le Saint Graal : l’IPO (Initial Public Offering), l’introduction en bourse. Le petit instant gourmand des coquins de la fiduciaire, le moment où tous tes efforts spéculatifs sont récompensés au centuple en déversant tes parts dans l’arène dorée de Wall Street.

Mais voilà des fois il y a une perte de confiance, on appelle ça : une crise. Et en général c’est annoncé par l’apparition de bulles spéculatives qui sont symptomatiques de décisions antirationnelles délirantes.

Le cas Vestiaire Collective

Vous l’avez surement lu dans la presse, VC est devenue une licorne en 2020 !!! Une licorne c’est quoi ? Un bordel mythique. Mi-magique, mi-qu’exist’pas. Licorne, c’est le badge Pokemon que tu gagnes dès que tu vois ta valorisation dépasser le milliard d’€uro.

Comme le dit Olivier MARCHETEAU (le head of big boss de la boutique) en 2017 : “Notre objectif reste la croissance”. Tu te souviens de la petite discussion sur la croissance plus haut ? Et bien, soyons croissants ! Et fuck les chocolatines.

Regardons un peu plus sous le capot de l’entreprise :

Méga tableur excel fait maison

Ah oui ! En 2015 la boîte arrête de publier ses comptes… Parce qu’ils ont … Oublié ? Normalement après 7 fois consécutives on devrait commencer à parler de névrose phobique. Alors rassure toi ! L’état a prévu une amende pour punir les délinquants qui refusent de publier leurs comptes. Elle peut aller jusqu’à 1500 €. Il se murmure même que certains ont été privés de dessert à la cantine. Retenez-là qu’on ne rigole pas avec la loi : qui s’y frotte s’y fric.

Redevenons sérieux (1ère et dernière apparition de cette phrase dans un de nos articles).

Nous avons, ici, une boite qui les 5 premières années de sa vie perds du pognon (le reste : “on ne sait pas car Simone a perdu le .pdf … 7 fois !”). Depuis sa création elle n’a jamais été profitable, pendant au moins 5 ans et ce malgré les 28 millions € de cash qu’on injecte (on parle pas d’une aide sur les tickets restau’). Pourquoi continuer à injecter ? Ils ont prouvé que leur concept était rentable grâce à une croissance négative sur 5 ans consécutifs ? Alors c’est vrai, toi quand tu fais un business plan, tu raisonnes ROI. Quand tu mesures ton MvP tu essayes de voir s’il de l’impact positif sur ton business… Les cracks, eux, ils font totalement l’inverse…

©Academy of Movay Goo

En 2012, la société cumule alors 6 Millions € de pertes à la clôture depuis sa création, et ouvre quelques mois plus tard au UK. On suppose que faire -6 Millions € alors qu’on t’injecte en plus +7,5 millions € l’année précédente est un indicateur fort de “produit viable économiquement, qui mérite d’être étendu au monde”.

Et au final, VC c’est 368 millions € de fonds levés en 10 ans. Comme l’a dit le tronpa dans l’article de Capital “Nous sommes rentables entre 3 à 5 ans par pays”, donc en France depuis tout ce temps (10 ans), on doit tenir la preuve d’une performance économique dingue non ? Bien suffisante pour justifier que le concept soit porté à l’international à coup de centaines de millions €. Tellement ouf qu’on n’en parle pas…

Comment peux-tu vendre à des mecs un concept de site internet à valeur négative qui a déjà coûté 190 millions €, et leur faire remettre 168 millions € dans le jukebox ? Au passage 60% des levées de fonds en 2020 en France sont des “logiciels” et “services internet” : soit ceux qui ont le moins besoin d’argent pour développer leur produit… On parle pas de développer un satellite et sa machinerie lourde et coûteuse, ou une biotech avec 10 ans de R&D et ses essais cliniques. On parle d’un site web (juste un intermédiaire sans stock), 3 MacBooks Pro, un baby-foot, 1 abonnement Deezer et on est tipar !

Mais, bon… Tout ça hein… On s’en fou… VC est devenu une licorne nous a dit BFM Business ! Une licorne asthmatique en pleine crise d’hypoglycémie, mais ça reste une licorne !

©Academy of Movay Goo

What Else ?

Faire grandir ton entreprise car tu as prouvé que tu étais viable en apportant de la valeur ? On s’en cogne ! C’est pas du tout dans le délire de l’épisode.

Tu fous dans un shaker un peu de réseau, du marketing, des powerpoints avec les buzzwords du moment et une belle histoire. Agite moi ça 20 secondes à la Tom Cruise, et hop ! Plus les gens injectent d’argent dans ta boîte, plus ça génère de la confiance, plus la levée suivante verra les investisseurs injecter de l’argent, espérant à leur tour que le prochain round soit encore plus important. Objectif IPO. Et là on a enfin une belle croissance exponentielle de l’argent investie (une dette) sans voir bouger une production de valeur (un produit brut) : c’est ça, une bulle spéculative.

Et des dossiers comme VC, y’en a tout le tour du ventre. Uber, n’a jamais été rentable depuis 2009. En 2019 ils font une levée de fonds de 10 milliards $. Mais oui, un petit +10 milliards $, en équivalent Kinder Bueno on parle de 783 millions de tonnes de gourmandise ! Pour une boîte jamais rentable 10 ans après sa création et qui cumule 1.8 milliards $ de pertes, on remet une pièce de 10 Milliards $ dans le jukebox, OKLM.

Alors non, nous ne sommes pas anti-startup (bien au contraire) et nous n’avons rien contre VC en particulier, c’est le hasard de l’actualité ma chère. Nous sommes pro-entreprenariat chez BMP et nous sommes d’ailleurs plusieurs à occuper des rôles obscures dans des startups lumineuses. Liberté, créativité, possibilités, plasticité, simplicité… C’est juste le terrain de jeu idéal pour l’innovation, les gros groupes sont devenus progressivement des organismes fatigués, embolisés et métastasés sous perf’ de Tranxen. On attends la grande faucheuse mais je crois qu’elle fait de l’arthrose…

Nous sommes encore moins opposés au concept d’investissement : permettre la rencontre de personnes qui ont de l’argent, et d’autres qui en ont besoin, est une mécanique essentielle à la création de valeur, et c’est hyper sain que ce marché primaire (en revanche le secondaire…). Sauf que l’investissement, c’est parier sur le fait qu’une entreprise apporte dans un futur proche de la valeur et en être récompensé à ce moment. Là on parle de jouer à Lehman Brothers avec des levées de fonds successives pour créer des produits financiers spéculatoires façon marché secondaire sur des boîtes en croissance négative… Y’a pas un voyant qui s’allume là haut ?

L’argent doit rester un moyen de réaliser les choses, et pas une finalité.

Si votre produit n’est viable que si vous couvrez 34 pays, après 10 ans et 800 millions € d’invest’ pour un site web, alors votre concept n’est pas viable… Juste pas viable. C’est une aberration de cristalliser autant d’argent avec un apport de valeur négatif sur de telles durées. La durée de vie moyenne d’une entreprise est de 18 ans en 2015 contre 61 ans en 1958… Vous alimentez une bulle spéculative qui permet à des financiers qui jouaient hier avec le patrimoine immobilier de la population de dorénavant jouer avec la vie des entreprises (le cœur de l’économie).

Au final, jeune entrepreneur, c’est quoi le but de ce voyage qu’est l’entreprise ? Qu’est-ce qui importe dans ce voyage ?

Cyniquement vôtre,

Bullshit My Product

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